Vérisme

Ce que nous ne sommes pas

Bien que nous publions des textes pour préciser le détail de nos positions et de nos analyses, cela risque de ne pas être suffisant pour éviter certaines confusions. Il se peut que certains croient que nous appartenons à une tendance avec laquelle nous avons de profonds désaccords, simplement en raison de ressemblances superficielles. Pour éviter ce genre de méprises, nous avons jugé bon de faire un rapide tour d’horizon des étiquettes avec lesquelles nous risquons à tort d’être confondus.

Table des matières

Fétichistes du passé

Nous faisons souvent appel aux civilisations anciennes, pour plusieurs raisons. La première est qu’elles étaient axées sur la spiritualité plutôt que sur la matière, ce qui explique qu’elles aient été beaucoup plus respectueuses de la nature. De plus, elles frappent l’imaginaire et permettent parfois de mieux illustrer notre propos que de longs examens théoriques. Finalement, il y a un devoir intellectuel à apprendre de l’histoire ; celui qui refuse de le faire n’est pas à la hauteur de son époque, il se montre anachronique. Cependant, nous n’avons aucunement l’intention de reproduire le Moyen Âge à l’identique, ou quelque autre époque que ce soit, à l’identique. L’histoire ne nous offre pas de plan tout fait pour l’établissement du monde à venir.

Le cœur de notre propos tient en une série de propositions qui sont soit vraies, soit fausses, et qui ne sont pas liées à une époque en particulier. Les choses qui étaient vraies au Moyen Âge le sont toujours aujourd’hui.

Par exemple, supposons qu’il soit éternellement vrai que l’artisanat soit plus respectueux de la nature et plus adapté à la nature humaine que la production industrielle, aussi bien pour le producteur que pour le consommateur. Cela ne cesserait pas d’être vrai simplement parce que le Moyen Âge fonctionnait sur un mode artisanal et la Modernité sur un mode industriel. Accepter cela ne demande en rien d’accepter dans le même temps toutes les pratiques médiévales là où certaines pratiques modernes peuvent représenter une amélioration. Ce n’est pas parce que l’on juge bon de retourner à l’artisanat qu’il faudrait pour autant renoncer à la comptabilité en partie double, aux poêles de masse rocket ou à la culture de la pomme de terre, sous prétexte que toutes ces choses n’étaient pas présentes dans le Moyen Âge, où l’artisanat fleurissait.

Survivalistes

Les survivalistes considèrent, tout comme nous, qu’une catastrophe arrive et qu’il faut s’y préparer. Seulement, les préparations sont d’un ordre très différent. Tout d’abord, les initiatives survivalistes sont généralement très ciblées ; elles concernent des personnes qui veulent se préserver, seules ou avec leurs proches, et tant pis pour le reste du monde. De plus, comme le terme l’indique, elles visent surtout à assurer la survie physique des personnes en cas de cataclysme.

Le Vérisme s’en distingue sur ces deux points essentiels, puisqu’il a pour ambition de se déployer à grande échelle et de préserver non pas l’existence physique d’un petit nombre de personnes, mais également les savoirs accumulés au cours des millénaires, qui sont souvent perdus au cours des effondrements. De plus, il a également pour ambition de jeter les bases de la société de demain, qui devra être libérée des problèmes systémiques qui auront causé la perte du vieux monde.

À un niveau pratico-pratique, on pourrait dire que le Vérisme intègre un volet survivaliste mais sans s’y limiter. La préparation pour la survie physique à l’effondrement est en effet l’un des objectifs poursuivis, mais il est loin d’être le seul, et de nombreuses autres activités n’ont rien à voir avec celle-ci. Par exemple, la recherche de technologies alternatives et la réflexion sociale s’en éloignent assez distinctement.

Amish

Les Amish sont un ensemble de communautés chrétiennes présentes aux États-Unis dont la caractéristique la plus saillante est de rejeter certaines technologies pour des raisons religieuses. Ils présentent donc certaines ressemblances avec nous, et nous nous intéressons de prêt aux techniques qu’ils emploient, qui peuvent fournir des alternatives intéressantes à celles du paradigme dominant. Cependant, nous nous distinguons d’eux sur un certain nombre de points essentiels.

Tout d’abord, les Amish rejettent les technologies dont ils pensent qu’elles nuisent à la communauté, sans réellement se préoccuper de la nature en elle-même. L’informatique isole les individus, donc c’est à rejeter, mais l’agriculture conventionnelle ne fait rien de tel. Les produits agricoles Amish n’ont rien de « bio », ils poussent avec des engrais et des pesticides tout ce qu’il y a de plus industriel. De plus, les Amish sont controversés pour leur traitement des animaux, qui peut être assez brutal ; ils opèrent des « usines à chiots » (puppy mills), par exemple.

Cet exemple permet de saisir la différence d’approche. Les Amish sont avant tout des communautés relativement repliées sur elles-mêmes (ils parlent un dialect allemand dans un pays anglophone), dont les choix technologiques sont motivés par ce repli. Il n’y a chez eux aucune conscience de la crise écologique ni volonté de sauvegarder la civilisation dans la crise à venir. Dans une perspective vériste, leur recours à l’agriculture conventionnelle est une folie irresponsable. Il va sans dire qu’ils ne font pas non plus le moindre effort pour préserver les livres importants.

De plus, comme indiqué précédemment, les Amish sont très religieux. Nous aussi. Seulement, la compatibilité entre les deux approches religieuses est faible. Les différences entre les Amish et nous ne sont pas le fait du hasard mais découlent de positions profondément différentes sur les questions spirituelles.

Un parti politique

Si le Vérisme ne s’oppose pas en principe à l’action dans le domaine politique, c’est-à-dire celui de la Cité, dans la mesure où chaque homme est aussi un citoyen, le cœur de son projet s’éloigne assez nettement du militantisme conventionnel, dont le but principal est la prise de contrôle des institutions publiques afin d’implémenter une vision des choses à l’échelle d’un pays. La situation générale de notre époque ainsi que la mentalité qui en découle sont trop défavorables à nos idées pour qu’il soit réaliste de disperser nos ressources et nos efforts au sein de l’arène politique, d’autant que le temps presse. Comment la décroissance pourrait-elle convaincre un peuple devenu consumériste de renoncer à l’augmentation de son pouvoir d’achat ?

Cela est d’autant plus vrai que dans le contexte actuel de crispations autour des questions politiques et culturelles, de tels efforts auraient plutôt tendance à exciter les passions et à restreindre la diffusion de notre message. La politique n’est que la continuation de la guerre par d’autres moyens ; c’est une forme de tribalisme où la discussion vise avant tout à écraser l’adversaire plutôt qu’à se rapprocher de la vérité.

Par conséquent, nous n’envisageons nullement de « faire campagne » ou de soutenir tel candidat ou parti, et encore moins d’effectuer quelque action violente que ce soit. Nous n’interdisons pas à nos membres de s’engager en politique à l’échelle individuelle, par exemple en rejoignant un conseil municipal par souhait authentique d’améliorer le sort des habitants de sa commune de s’inspirant de la philosophie que nous défendons, mais le mouvement en tant que tel n’a pas vocation à constituer un parti de masse ni une force révolutionnaire.

Notre projet se place à un autre niveau, puisque nous voulons ouvrir un réseau de villages pour servir d’arche de Noé qui sauvera ce qui peut être sauvé du cataclysme à venir. Ainsi, le Vérisme se concentre avant tout sur une méthode d’action non politique, ce qui n’empêche que sa doctrine a bel et bien des ramifications « politiques », comme toute philosophie sociale. La bonne politique, aujourd’hui, est de délaisser la politique ; l’heure est à la préparation face à un inévitable désastre, nous n’avons plus le temps pour la démagogie.

Syncrétistes / Éclectistes

Le syncrétisme et l’éclectisme désignent le même phénomène selon qu’il se produit dans le domaine de la spiritualité ou de la philosophie, à savoir le mélanger de différents éléments sans les comprendre en profondeur.

Bien qu’il ne fasse aucun doute que les différentes religions soient toutes des aspects de la vérité totale et que leurs contradictions ne puissent être que très superficielles, il n’empêche qu’elles n’en constituent pas moins des points de vue différents qui ne peuvent pas être mélangés à la légère.

Nous pourrions faire une métaphore. Les religions sont comme des routes qui partent d’un certain point humain, ethnique et culturel, pour le relier à Dieu. Si Dieu est Rome, alors la route pour y aller en partant de Byzance et celle qui part de Lisbonne ne sont pas du tout les mêmes. Si l’on écrit une liste de directions pour faire Byzance-Rome, on ne peut pas en recopier un morceau pour le mettre au milieu des directions pour faire Lisbonne-Rome.1 On pourrait également prendre la métaphore selon laquelle les religions sont des symphonies où chaque passage a sa raison d’être définie ; on ne doit pas les mélanger n’importe comment si l’on veut que l’ensemble reste harmonieux.

Pour cette raison, il convient de ne pas mélanger les formes traditionnelles. Il ne faut pas mélanger les rites ; chaque religion a son propre système, qui doit être maintenu intact. Il faut également faire très attention lorsque l’on prétend mélanger les théologies, sans quoi l’on risque d’en venir à associer des idées qui n’ont pas grand-chose à voir entre elles, comme d’assimiler la Trinité chrétienne à la Trimurti hindoue ; ce genre de pratique condamne les Chrétiens à ne jamais comprendre l’Hindouisme, voire de faire des erreurs graves dans leur compréhension du Christianisme. Si l’on ne sait pas exactement ce que l’on fait, mieux vaut ne pas essayer. De même, en philosophie, mélanger des éléments disparates empruntés à différentes écoles est le meilleur moyen de produire un résultat inharmonieux et contradictoire.

La comparaison des différentes religions entre elles doit donc avant tout être un outil d’analyse et non de réforme. Cela ne signifie pas qu’elle ne puisse jamais l’être, mais il faut pour cela observer la plus grande prudence.

1. Cette métaphore est empruntée au Bouddhisme chang et au Taoïsme, qui parlent des différents chemins permettant d’arriver au sommet d’une montagne.

Théosophistes

Si l’on observe les choses de manière superficielle, le théosophisme d’Héléna Blavatsky et de ceux qui s’inspirent d’elle présente un certain nombre de similarités avec le Vérisme. Tous deux affirment qu’il existe une sagesse profonde et unique de laquelle les religions tirent ce qu’elles ont de valide, et tous deux accordent une valeur particulièrement à des disciplines comme l’alchimie, à contre-courant de la mentalité dominante. Cependant, les similarités s’arrêtent là. Un abîme nous sépare quant au contenu de cette sagesse primordiale. René Guénon a dit que « le théosophisme ne représente absolument rien de la pensée orientale authentique »2, ce qui est difficilement contestable. C’est un collage d’éléments mal compris empruntés à différentes traditions et regroupés en un ensemble hétéroclite, en motif d’arlequin.

La doctrine théosophiste intègre des notions populaires parmi les Modernes mais beaucoup moins parmi les Anciens, comme l’électricité, l’atomisme et la théorie de l’évolution, ce qui montre assez clairement qu’il y a eu un mélange « syncrétiste ». Elle contient toute une partie sur l’histoire ancienne de l’humanité, divisée en « races-racines » ayant développé des civilisations avancées en Hyperborée, en Atlantide, etc. ; tout cela nous paraît somme toute assez fantaisiste et basé sur bien peu de choses. L’idée que la doctrine secrète de toutes les religions puisse reposer sur un mélange d’interprétations occultistes de l’électricité et de spéculations sur les civilisations passées diffère profondément de ce que l’on observe réellement, à savoir que les accords se font en premier lieu dans le domaine de la métaphysique pure avant de « ruisseler » vers les autres domaines. D’ailleurs, les théosophistes ne parlent jamais de métaphysique ; leur doctrine consiste avant tout en une sorte d’archéologie hautement spéculative plutôt qu’une étude de la nature de Dieu et de l’univers. Ils ne s’intéressent pas tellement à l’idée qu’en méditant d’une certaine manière, il serait possible d’atteindre la même illumination que le Bouddha, mais préfèrent manifestement sur le fait que le Bouddha ait été un extraterrestre ou un enfant indigo, pour résumer grossièrement.

Ils prennent le terme « ésotérisme » comme désignant simplement des connaissances spirituelles gardées secrètes, pour l’usage exclusif d’un petit groupe. Cela contraste également fortement avec la réalité, qui est que les doctrines ésotériques sont proprement incommunicables car elles correspondent à des révélations obtenues par « illumination » et ne pouvant pas plus être traduite dans la langue des hommes qu’il n’est possible de communiquer la rougeur des pommes à un aveugle simplement en la lui décrivant du mieux que l’on peut. L’illumination atteinte par la voie ésotérique est donc incommunicable par sa nature même d’expérience « intérieure », pas parce qu’il s’agit d’une information cachée dans une obscure bibliothèque indienne. Il en résulte forcément une déformation de leur part de l’aspect symbolique des doctrines traditionnelles, qui sont prises au pied de la lettre, par exemple considérer que Shamballah est un lieu physique plutôt qu’un état spirituel, etc.

2. René Guénon, Le Théosophisme, Histoire d’une Pseudo-Religion, chapitre XI : "Principaux points de l’enseignement théosophiste".

New Age

Le New Age est un milieu intellectuel apparu en Occident dans la seconde moitié du XXe siècle. Très hétéroclite, il regroupe un grand nombre de courants et d’idées. De manière générale, il se caractérise par un rejet plus ou moins prononcé du Christianisme conventionnel et la recherche d’une spiritualité alternative, généralement marquée par l’importation de concepts mal compris repris du bouddhisme, de l’hindouisme, de l’occultisme, plus ou moins bien agencés entre eux. Il y a également un rejet des structures religieuses conventionnelles, comme le clergé, les dogmes et l’aspect « puritain » de la morale chrétienne.

Le premier problème de ce milieu est son manque de rigueur. Il n’y a que peu de tentatives visant à réellement comprendre les doctrines auxquelles il emprunte. Cela vient de son relativisme et de son ethnocentrisme. Là où les Modernes acceptent qu’un manuel d’électricité puisse contenir des vérités objectives auxquelles on peut adhérer par la simple force de son autorité, ils ont beaucoup plus de mal à se dire que la même chose puisse être vraie dans le domaine spirituel. De plus, étant donné qu’ils sont passés par un endoctrinement qui joue beaucoup sur l’égo, ils se considèrent comme la fine fleur du progrès et de l’évolution humaine. Ils considèrent que c’est leur droit, voire leur devoir, de mettre à jour les doctrines anciennes en les modernisant. C’est notamment le cas sur le plan social, où il est clair qu’ils considèrent que la démocratie égalitaire est meilleure que les organisations sociales traditionnelles et devrait les remplacer, mais également sur un plan purement doctrinal. Chacun y allant de sa petite réinterprétation personnelle, les productions de ce milieu ne forment en aucune façon un ensemble cohérent.

Païens

Notre insistance sur le fait que les religions de l’Antiquité, comme celle des Grecs, des Romains, des Germains, etc., contiennent une part de vérité et que leurs divinités sont des entités réelles pourrait donner l’impression que nous sommes des « païens », mais ce n’est pas le cas.

Le paganisme est un état de dégénérescence d’une religion, dans lequel elle a perdu ses principes fondamentaux et ne consiste plus qu’en une sorte de culte du cargo, où les gestes et les paroles sont répétés sans compréhension véritable. Cependant, ils n’en perdent pas pour autant le degré de validité qui était le leur avant que la décadence ne les frappe. C’est précisément pour cette raison que le Christianisme et l’Islam ont pu intégrer autant d’éléments « païens » sans que cela ne pose problème. Par exemple, l’hermétisme helléno-égyptien a été assimilé au dépôt des enseignements du prophète Hénoch / Idris, considéré comme étant la même personne que Hermès Trismégiste, ce qui a permis sa pleine intégration dans les civilisations médiévales.

De même, les divinités païennes sont les mêmes que celles que les religions abrahamiques appellent « anges », la différence étant que dans le paganisme, leur subordination à la divinité suprême a été oubliée. Les Romains et les Grecs avaient déjà remarqué que Hermès était en réalité la même divinité que Mercure, et même que le Thot égyptien et l’Odin nordique ; il faudrait simplement ajouter qu’il est également le même que l’archange Raphaël des religions abrahamiques.

Pour toutes ces raisons, il n’y a rien de païen dans notre appréciation des religions anciennes. Il n’y a aucune volonté d’en justifier les aspects décadents mais simplement de préserver ce qui peut l’être des révélations qui ont été à leur source. Ajoutons que nous voyons d’un mauvais œil le néopaganisme : il s’agit de voies mortes qui ne contiennent plus aucune spiritualité véritable, tout ce qui pouvant être récupéré l’ayant déjà été par le Christianisme. Ses pratiquants font une sorte de jeu de rôle ou de cosplay, une reconstruction historique à partir de fragments de textes plus ou moins déformés ou incompris, ce à quoi ils ajoutent leurs propres interprétations en raison de la manie moderne à tout vouloir « mettre à jour ». Ils ont aussi tendance à prendre les critiques des Chrétiens contre les Païens comme représentant des éléments essentiels de cette foi plutôt que des dégénérescence tardives ; par exemple, lorsqu’un ancien texte chrétien accuse les Païens de vénérer la nature, les Néopaïens le voient comme le signe qu’ils devraient la vénérer eux aussi. On aurait des raisons légitimes de penser que la vieille religion nordique, ou celtique, avait des ressemblances avec l’Hindouisme ancien en raison d’un héritage indo-européen commun3, mais les Néopaïens qui cherchent à réinterpréter leurs doctrines à l’aune d’un Platon ou d’un Shankara sont si rares que l’on pourrait croire qu’ils sont inexistants.

3. Par exemple, les textes sacrés hindous se nomment les Védas, et ceux des nordiques les Eddas.

« De la main droite »

Dans les milieux occultistes, il y a beaucoup de confusion sur les notions de « main gauche » et de « main droite ». Les religions abrahamiques sont considérées comme appartenant à la « main droite », contrairement au satanisme, qui serait une religion de la « main gauche » car individualiste. Cette confusion vient de l’importation de concepts orientaux incompris, qu’il est cependant possible de rétablir dans leur réalité première en retournant aux textes.

En réalité, les deux « mains » sont des voies ésotériques. Elles ne peuvent pas s’appliquer à des exotérismes, qu’ils soient juif, chrétien ou musulman. Il y a deux façons d’accéder à l’illumination : par la main droite, qui est une voie moralement exigeante mais sans danger, et par la main gauche, qui est une voie plus souple mais plus dangereuse. Or, si une religion possède un ésotérisme, celui-ci peut revêtir les deux formes selon ce que ses maîtres jugent le plus pertinent. Ainsi, certaines branches du Bouddhisme et du Soufisme sont « de la main gauche » sans avoir rien de satanique.

Pour citer l’auteur soufi Faouzi Skali :

« Dans le soufisme, il est souvent fait état de deux sortes de voies : celle de la Miséricorde (ou de la Beauté) et celle de la Rigueur (ou de la Majesté). Cette dernière exigerait d’emblée une grande discipline et un certain renoncement : il s’agirait de donner beaucoup de soi pour ne recevoir que très progressivement ; dans la première, au contraire, nous serions appelé tel que nous sommes, et la saveur de la voie nous amènerait à nous transformer. Il convient de rester vigilant, car mettre ainsi en opposition Majesté et Amour ou Miséricorde peut, par le fait d’une simplification abusive, nous entraîner vers une certaine méprise. Nous devons donc être particulièrement attentif à cette réalité que Miséricorde et Rigueur sont également partagées par les deux types de voies. Cependant, dans un cas comme dans l’autre, les choses ne se présentent pas dans le même ordre et les formes que prennent les divers aspects d’une voie ne sont pas toujours forcément les mêmes. Cela signifie que notre exigence de rigueur doit augmenter dans la proportion où la miséricorde nous est prodiguée. On le voit, cette attitude est contraire à la tendance qui consisterait à croire que, dans une voie d’amour, nous pourrions sans ambages nous abandonner à une sorte de laisser-aller, nous laisser porter par les événements ; comme si, du fait que la compassion est première, il n’y avait rien d’autre à faire qu’à attendre.

Car il s’agit finalement de savoir reconnaître ce que l’on reçoit. Et, sous cette forme, la voie de la Miséricorde peut être considérée comme parsemée d’épreuves plus grandes que la voie de Rigueur ; il se peut même qu’elle exige de nous le plus de rigueur ! Au contraire, la voie où l’indication initiale est marquée du sceau d’une très grande rigueur peut être celle de la plus grande compassion puisque dès le départ on nous convie à une extrême vigilance ! »4

Le Vérisme n’étant pas une école ésotérique, les catégories de « main gauche » et de « main droite » ne sauraient s’appliquer à lui.

4. Faouzi Skali, Le Face à Face des Cœurs, Le Relié Poche, pp. 34-35.